Episode 3 : "je suis un parent à la maison avec mon/mes enfant.s : pourquoi le fait d'en faire le moins possible pour eux va les faire grandir ?! »
Série : "Je suis parent à la maison avec mon/mes enfant.s pendant le confinement"...
Episode 3 : "je suis un parent à la maison avec mon/mes enfant.s : pourquoi le fait d'en faire le moins possible pour eux va les faire grandir ?! »
> Grande question !
Pour grandir et faire des apprentissages, que ce soit des apprentissages de la vie quotidienne, des apprentissages sociaux, des apprentissages scolaires, des apprentissages artistiques, les enfants ont besoin d’avoir dans leurs poches une série d’outils bien particuliers. Les scientifiques les appellent « les fonctions exécutives », j’aime bien les appeler aussi « les outils de la vie ».
Le secret de cet épisode se place au coeur même de ces « outils de la vie » : si nous donnons aux enfants les moyens de construire eux-mêmes leurs outils, alors ils gagnent en autonomie et s’ils gagnent en autonomie, alors ils renforcent leurs « outils de la vie » et ils ont de moins en moins besoin de nous ! C’est un cercle vertueux. Si nous utilisons nos propres « outils de la vie » à leur place - donc si nous les aidons, si nous anticipons à leur place et si nous trouvons des solutions à leur place - ALORS ils ne peuvent pas remplir leurs poches et appellent à l’aide… C’est un cercle vicieux.
Quels sont ces outils ? En voici trois, les principaux :
- La capacité d’anticiper, de planifier, de prévoir ce qu’il va se passer => c’est comme avoir une « liste à cocher » dans la tête ou bien une sorte de grande carte de pirate avec tous le trajet prévu, avec les différentes étapes…
- La capacité, une fois ce « plan » établi, à stopper net quand on se rend compte qu’on file droit dans le mur => c’est comme mettre un grand coup de « buzzer » dans sa tête,
- La capacité, une fois qu’on a freiné, de prendre un peu de recul et de changer de point de vue pour observer les solutions qui s’offrent à nous pour réussir et atteindre l’objectif qu’on s’est fixé au départ => c’est enfiler une ou plusieurs nouvelles paires de lunettes,
=> bien entendu, après avoir utilisé ce troisième outil, il faudra probablement revoir son plan initial…
Pour expliquer les rôles de ces trois outils, je propose souvent aux enfants une histoire dans laquelle ils peuvent réaliser l’importance de ces outils : ça peut aller de la réalisation d’une recette de cuisine (je prévois les étapes et les ingrédients, je réalise, alors que j’ai déjà commencé, qu’il n’y a plus gaz dans la bouteille ou une coupure d’électricité ou tout autre « aléa » - manque d’une quantité d’un ingrédient -, je dois m’arrêter et observer la scène, puis chercher des solutions pour m’en sortir), à un trajet en voiture (je sais par où je vais passer, j’ai prévu de faire un détour par un endroit bien particulier, j’ai mis le réveil plus tôt et suis parti plus tôt que d’habitude puisque ce détour me demandera un peu plus de temps, mais au petit matin, la route se trouve coupée par des travaux, je freine, j’observe et j’étudie des solutions, comme celle de prendre une autre route qui me fait faire un autre détour et qui sera plus longue, je dois alors revoir mon plan initial et ne pas passer là où j’avais prévu d’aller, voire même le remettre à plus tard,…), ou tout autre histoire dans laquelle on a un objectif, on définit et on liste les moyens et on va devoir faire attention au déroulé de l’aventure.
Quel est le super héros, bien connu des enfants, qui a un sérieux problème d’outils ? Superman bien sûr ! Chaque matin, il s’habille et ne se rend pas compte qu’il a mis son slip sur son collant !!
La construction de ces outils commencent alors que les enfants sont tout-petits et elle passe forcément par la posture adoptée par les parents, posture qui va évoluer alors que les enfants grandissent et donc vont gagner en autonomie, c’est à dire être de mieux en mieux outillés. Prenons une activité de la vie quotidienne, qui prend de l’importance au point de vue social chez les adolescents (et qui handicape pleinement Superman !) : l’habillage.
Le tout-petit : le parent va lui raconter ce qui va se passer : « je vais t’habiller… alors, tu vois, d’abord je te retire ton pyjama et ta couche et puis je change ta couche et puis voici le body, et ensuite le…. », jusqu’au bout de l’aventure. Bien entendu, le parent, bien outillé de son côté, enfile bien d’abord le body, PUIS la tenue ;)
- Le petit grandit un peu, souvent il nous donne un indice « de taille » (avec ou sans jeu de mot) : « moi ! ». Le parent va se positionner à côté, les vêtements sont prêts, éventuellement disposés dans l’ordre, en pile ou en ligne, et il va guider par la voix : « OK, c’est parti ! Tu retires ton pyjama… prends ton temps… super ! Tu enfiles ton slip, voilà, comme ça (éventuellement, le guider physiquement pour le mettre dans le bon sens), voilà…et puis après que mets-tu ? (le parent propose ici à l’enfant de faire le point avec le « plan », d’anticiper)… Ok, oui, le tee-shirt, comme ça, par la tête d’abord, et puis le bras, l’autre bras,… » etc…
- Un jour, l’enfant se pose en connaisseur : « c’est moi tout seul-euh ! ». Voilà le moment idéal pour que le parent tente la formidable aventure du « lâcher prise » : il se positionne à côté de l’enfant, LE LAISSE FAIRE, y compris « le laisse se tromper » et le laisse trouver une solution si ça coince, si l’enfant vient de faire comme Superman ou s’il a eu une curiosité (« enfiler la manche du pull par la tête : je le tente ou pas ?! »). Selon le moment de l’aventure, le parent peut jouer le rôle du « buzzer » en le disant : « attention, tu mets ta tête dans le mauvais trou ! », mais l’idéal est vraiment de ne rien dire et laisser faire l’enfant…
=> cette étape est CRUCIALE, elle est le point de départ de tout le reste :
- le parent « lâche prise » = il fait confiance en l’enfant => l’enfant se sent « capable » et prendra confiance en lui à chaque petite réussite,
- l’enfant prend le temps, il vit l’action DANS SON TEMPS à lui, il ne subit plus le temps de l’adulte, il a donc le temps de réaliser si quelque chose ne va pas et se sent accompagné et encouragé à trouver une solution…
- s’il trouve la bonne solution et que ça fonctionne, il le sait par lui même et se sent capable : il grandit !
- il y aura aussi le jour béni où, fort de son expérience, l’enfant dira au parent : « c’est bon, je m’habille tout seul-tout seul ! » et même s’il s’emmêle les pinceaux et que c’est long (= plus long que pour l’adulte), il est crucial qu’il le vive, car il est littéralement en train de peaufiner ses outils !!
L’exemple de l’habillage est pratique car fréquent et répétitif, mais il va en être de même pour d’autres apprentissages de la vie quotidienne, des apprentissages sociaux), des apprentissages scolaires, des apprentissages artistiques.
Ces trois outils sont la base des apprentissages de la vie, elles rendent l’enfant prêt à affronter toutes les situations, et, cerise sur le gâteau, ils vont peu à peu alléger la vie des parents !
Le prochain épisode est tout trouvé : "je suis un parent à la maison avec mon/mes enfant.s : comment je fais pour supporter qu’il.s prenne.nt autant de temps pour faire les choses ?! ».
lien vers le fichier pdf de l'épisode 3 :Episode 3 parents confinement (60.54 Ko)